Stockage, dispensation: comment optimiser le circuit du médicament en EHPAD
Où stocker les médicaments hors préparation des doses à administrer (PDA) et lesquels peuvent être mutualisés dans les Ehpad dotés de pharmacies à usage intérieur (PUI)? Jean-Marie Vetel, gériatre, et Véronique Bertram, pharmacienne, ont rappelé « les fondamentaux de l’organisation », lors des Assises des médecins coordonnateurs et des infirmières coordinatrices.
Sur le grand écran, face à l’assemblée gênée mais hilare, la photo d’un tas de médicaments empilés sans distinction. Une situation qui, « bien sûr, ne concerne personne dans cette salle… car je suis convaincu que le circuit du médicament est absolument parfait dans tous vos Ehpad », a plaisanté le gériatre Jean-Marie Vetel, également directeur de la politique médicale pour le groupe GDP Vendôme-Dolcéa, lors de son entrée en matière.
Accompagné de Véronique Bertram, pharmacienne à la direction médicale du groupe DomusVi, ils ont prodigué des conseils plein d’humour sur la place des médicaments hors PDA et l’organisation générale des stocks, lors des Assises nationales des médecins coordonnateurs et des infirmières coordinatrices, organisées par le groupe EHPA le 19 novembre à Paris.
Il y a cinq ans, l’apparition du blister et des sachets-doses n’a en fait pas résolu les problèmes de rangement et de traçabilité, a déploré Jean-Marie Vetel. « A l’usage, deux soucis » perdurent, concernant environ « 30% des médicaments en Ehpad », selon le gériatre.
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Une boîte individuelle pour chaque résident
Sur la dispensation des médicaments hors PDA, il a déploré « une traçabilité olé olé », et une disposition « souvent en vrac, comme des pommes de terre, sur le dessus du chariot », ce qui pose des problèmes de sécurité évidents pour les résidents atteints de démence. Il a aussi insisté sur le fait que les hors PDA « ne sont pas obligatoirement mutualisés ».
Jean-Marie Vetel propose donc « un standard d’organisation »: pour chaque résident, une boîte individuelle nominative d’une certaine couleur (selon l’unité du résident) et d’un certain volume dans laquelle ranger ce qui doit être « un must », c’est-à-dire:
- les hors PDA ou hors piluliers
- les « si besoin » : laxatifs ou paracétamol (à limiter, car certains « n’en finissent pas », selon Véronique Bertram)
- les stupéfiants ou morphiniques: la pharmacienne a précisé que ceux-ci « doivent être rendus au pharmacien en cas d’arrêt de prescription, de décès ou d’hospitalisation du résident, et doivent être, dans l’Ehpad, rangés dans un coffre scellé avec code d’accès, placé dans une pièce sécurisée ». Dans l’idéal, ces médicaments doivent être vérifiés tous les mois.
Autre point de vigilance, le renouvellement des ordonnances: gare à l’accumulation de médicaments, a conseillé Véronique Bertram, sollicitant en particulier les infirmières coordinatrices présentes dans l’assemblée: « Essayez d’être attentives aux ordonnances envoyées aux pharmaciens pour renouvellement, qu’ils sachent qu’il ne faut pas délivrer des médicaments déjà en stock dans le casier nominatif du résident, comme les boîtes d’insuline de cinq stylos renouvelées tous les mois, ou les laxatifs en ‘si besoin’, qui continuent à être dispensés régulièrement! »
Ne pas mutualiser plus de « dix médicaments »
Concernant la mutualisation, Jean-Marie Vetel préconise la formalisation d’une liste entre l’infirmière coordinatrice et le médecin coordonnateur. Elle doit concerner des prescriptions « sans risque, banales, fréquentes, concernant beaucoup de résidents chaque jour, peu coûteuses, et en conditionnement volumineux ». Il préconise « de ne pas dépasser dix médicaments ». Par exemple, ce qui rentre dans les « si besoin » peut sortir de la boîte nominative pour entrer dans les mutualisables, comme le paracétamol ou les laxatifs, mais « d’une seule sorte », a-t-il insisté.
Pour le gériatre, pas question, en revanche, de partager entre les résidents les prescriptions nominatives (antibiotiques, gouttes, pommades…), ainsi que tout ce qui « se conserve au froid ».
Les anticoagulants ont fait l’objet d’un aparté: non « blistérisables » ni mutualisables, selon Jean-Marie Vetel, qui a préconisé de ne surtout pas en faire de stock en cas de demi ou de quart de doses prescrites, mais de les recycler dans les boîtes prévues à cet effet: « Vous vous dites ‘ça coûte cher, je vais le garder’, et on se retrouve avec des rognures de comprimés d’antivitamine K… », a-t-il commenté.
Des chariots organisés « sur trois étages »
Pour les cas où la pharmacie ne peut pas immédiatement répondre, les dotations pour soins ou besoins urgents doivent aussi faire l’objet d’une liste à établir entre l’infirmière coordinatrice et le médecin coordonnateur, afin d’alimenter un stock tampon: « L’ordonnance est réalisée pour l’établissement. L’infirmière qui y a recours doit tracer le prélèvement et organiser le réapprovisionnement », a détaillé Véronique Bertram, conseillant de contrôler ce stock tous les trimestres avec le pharmacien dispensateur.
Enfin, le contenu de la trousse d’urgence doit être limité aux « bobos » courants: fil, aiguille, xylocaïne. Selon Jean-Marie Vetel, il s’agit « d’anticiper la prescription nominative du correcteur de chaque médicament à risque » dans la boîte nominative du résident: prévoir de la vitamine K en cas de prescription d’antivitamine K par exemple.
Avec une telle organisation, la distribution est censée devenir, pour l’infirmière, un jeu d’enfant: celle-ci va préparer dans son chariot « les hors PDA mutualisés, les hors PDA en casiers individuels et en bas, les PDA blistérisés », a-t-il résumé.
Jean-Marie Vetel a admis qu’un tel rangement soulevait la question de l’organisation des chariots, ces derniers devant comporter « trois étages ». Sur le dessus, il a conseillé de placer « l’outil pour écraser les comprimés qui n’ont pas de forme alternative en sachets », renvoyant vers les Observatoires du médicament, des dispositifs médicaux et de l’innovation thérapeutique (Omedit) régionaux pour le rappel des formes galéniques disponibles.
Source : « Stockage, dispensation: comment optimiser le circuit du médicament en Ehpad », par Claire Beziau. Article publié le 04/12/2015 dans gerontonews.